Que savez-vous sur la jurisprudence Costedoat ?
Depuis un revirement de jurisprudence intervenu en 2004, faisant application de la jurisprudence « Costedoat ».(I), la Cour de cassation a reconnu l’absence de responsabilité du médecin...
L'absence de responsabilité à l'égard des tiers
Depuis un revirement de jurisprudence intervenu en 2004, faisant application de la jurisprudence « Costedoat ».(I), la Cour de cassation a reconnu l'absence de responsabilité du médecin salarié à l'égard des tiers. Cette jurisprudence connait aujourd'hui quelques assouplissements (II), notamment au regard de la possibilité d'exercer une action récursoire contre l'assureur du salarié.I- La position de la jurisprudence « Costedoat »
Dans l'arrêt « Costedoat[1] » rendu en Assemblée plénière le 25 février 2000. La Cour de cassation affirmait le principe selon lequel « n'engage pas sa responsabilité à l'égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant ». Cette jurisprudence intervenue quelques jours après la décision du Tribunal des Conflits, pose un principe d'immunité protégeant les professionnels salariés.
Par la suite, deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 9 novembre 2004[2], marque un véritable revirement jurisprudence et considèrent que« le médecin salarié, qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l'établissement de santé privé n'engage pas sa responsabilité à l'égard du patient ».jurisprudence Costedoat
En vertu du contrat de soins liant l'établissement à l'usager, l'établissement est responsable des fautes commises par ses substitués ou ses préposés qui ont causés un préjudice.
Selon la Cour de cassation, cette responsabilité est liées au fait que le patient qui consulte un médecin salarié par l'intermédiaire d'un établissement privé, conclu un contrat de soins avec cet établissement, et non avec le médecin qui le reçoit[3].
Dans le cadre du contrat de travail, et du lien de subordination, les professionnels de santé agissent donc en tant que préposé de l'établissement, à condition bien évidemment, de ne pas excéder les limites de la mission qui leur est imparti. Ils n'engagent donc pas leur responsabilité à l'égard des tiers.
Si le professionnel de santé salarié ne peut voir sa responsabilité engagée à l'égard des tiers, ce principe ne fait pas obstacle pour l'établissement de santé et son assureur, d'exercer une action récursoire contre l'assureur du salarié (II)
II- L'assouplissement de la jurisprudence « Costedoat »
Précisons toutefois, que si le salarié bénéficie d'une certaine immunité en qualité de salarié de l'établissement, cela ne signifie qu'il demeure irresponsable. Ainsi, dans une décision du. 13 novembre 2002[4], la Cour de cassation précise que « si l'établissement de santé peut être déclaré responsable des fautes commises par un praticien salarié à l'occasion d'actes médicaux d'investigation et de soins pratiqués sur un patient, ce principe ne fait pas obstacle au recours de l'établissement de santé et de son assureur, en raison de l'indépendance intangible dont bénéficie le médecin, même salarié, dans l'exercice de son art ».
Par ailleurs, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 12 juillet 2007, que « si l'article L.121-12, alinéa 3 du Code des assurances exclut l'action directe de l'assureur de l'employeur contre ses salariés, il ne met pas obstacle à ce qu'il exerce une action récursoire contre l'assureur du salarié ».
Ces actions récursoires des établissements de santé à l'égard des salariés sont cependant peu fréquentes. Dans la mesure où les établissements sont assurés contre ces types de condamnation prononcées à leur encontre, et qu'en vertu de l'article L.121-12 du Code des assurances, les compagnies d'assurance, n'ont en l'absence de malveillance, aucun recours contre les préposés. Par ailleurs, l'article L.1142-2 du Code de santé publique, impose aux établissements de santé l'obligation de souscrire une assurance en responsabilité civile couvrant les salariés agissant dans la limite de la mission qui leur est impartie.
– Immunité Du préposé
Pour conclure, précisons que la jurisprudence est venue écarter l'immunité du préposé dans certaines hypothèses. Ainsi, l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation (Arrêt Cousin 14 décembre 2001[5]), écarte l'immunité du préposé en cas d'infraction pénale intentionnelle de celui-ci. Un arrêt plus récent en date du 21 février 2008[6], écarte également l'immunité du préposé en cas d'infraction pénale ou de faute intentionnelle. Dès lors, la Cour de cassation ne distingue plus selon la nature intentionnelle ou d'imprudence de l'infraction. Selon Madame F.GONTHIER[7], on pourrait douter de la portée de cette jurisprudence, dès lors que toute faute d'imprudence dommageable suffit à constituer la violence involontaire.
La jurisprudence Costedoat
[1] Cass. Ass.Plén. 25 février 2000, « Costedoat », Bull. civ. n°2.
[2]Cass. Civ. 1ère 9 nov.2004, n°01-17903 et n°01-17168.
[3]Cass. Civ., 1ère 4 juin 1991. Bull. n°185.
[4]Cass. Civ., 1ère 13 nov. 2002, n°1577P.
[5] Ass. Plén. Cour de cassation, 14 décembre 2001.
[6] Cass. soc., 2ème civ. 21 fév. 2008.
[7] Madame F. GONHIER est Maître de conférence à l'université BORDEAUX IV.C