Les conséquences du tourisme procréatif en France

En vue de l'interdiction française de la gestation pour autrui, certaines personnes décident de recourir aux mères porteuses à l'étranger, c'est ce qu'on appelle le tourisme procréatif.

12 FÉVR. 2015 · Lecture : min.
Les conséquences du tourisme procréatif en France

La gestation pour autrui (GPA) est une méthode de procréation sensible et controversée actuellement. Elle se pratique généralement en cas d'infertilité au sein du couple.

La GPA, communément appelée "mère porteuse", consiste à ce qu'une femme non-membre de la famille nucléaire porte l'enfant d'un couple qui a fourni ses embryons. Cette femme sert d'intermédiaire mais elle ne fournit en aucun cas de contribution génétique (ovules et spermatozoïdes prélevés chez les parents demandeurs) mais prend en charge le "développement in utero" d'un embryon et, à la naissance, cette mère porteuse remet l'enfant aux "parents sociaux", qui peuvent aussi être les "parents génétiques" de l'enfant.

Le statut légal

Le statut légal de la GPA varie selon les pays. Elle est interdite dans certains pays comme la France, l'Italie ou l'Allemagne et est autorisée dans d'autres comme les États-Unis (selon les États), la Thaïlande, l'Inde ou le Brésil, où elle est cependant soumise à des conditions variables concernant, par exemple, la rémunération de la mère porteuse et l'accès des enfants à leurs origines biologiques. Ces différences légales créent des difficultés en France, car certains couples vont pratiquer la GPA dans un pays dans lequel cette pratique est légale puis, souhaite ensuite revenir en France.

L'enfant né de cette pratique peut-il être considéré comme né d'une filiation telle que celle reconnue par la République Française ?

Inscription dans les registres d'État civil

Les registres de l'État civil sont destinés à assurer la publicité des faits et des actes importants de la vie des personnes tels que les naissances, les mariages et les décès de français mais aussi d'étrangers, qui doivent être déclarés à l'État Civil français. En outre, le personnel diplomatique français établit les actes d'État civil des français qui résident à l'étranger.

Toutefois, lorsqu'un évènement relatif à l'État d'une personne se produit à l'étranger, l'article 47 du Code Civil prévoit que l'acte rédigé par la loi étrangère sera pris en compte. Il pourra cependant être contesté si des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même s'avèrent douteux.

Des français ont eu recourt à des pays dans lesquels la pratique d'une gestation pour autrui est légale, comme c'est le cas en Inde ou aux États Unis. Dans le cas particulier des couples, l'enfant qui naît à l'étranger est considéré comme enfant du parent biologique et il est adopté légalement par le conjoint, aussi à l'État civil il est officiellement enfant de ce couple.

Difficultés liées à la demande de transcription

Un problème se pose lors de la demande de transcription, sur les registres de l'État civil français : ces enfants sont nés d'une pratique interdite en droit français en vertu de l'article 16-7 du Code Civil.

La première décision rendue par la Cour de Cassation en la matière en 2008 a été un refus d'autoriser la transcription sur les registres de l'État civil français de l'acte établissant aux États-Unis la paternité et la maternité du couple français. En effet, La Cour argumente que l'affiliation résulte d'une mère porteuse, pratique interdite en droit français et que par conséquent cela contrarie l'ordre public français. Qu'en est-il de l'intérêt de l'enfant qui naît de cette intervention ?

Le 25 janvier 2013 la circulaire Taubira relative à la délivrance des certificats de nationalités françaises va préciser le cas particulier des mères porteuses et la gestion d'État civil étranger qui en résulte. Cette circulaire a pour objectif de faciliter la délivrance des certificats de nationalité française (un document officiel qui sert à prouver la nationalité française) dans l'hypothèse d'enfants nés de gestion pour autrui à l'étranger.

Dans cette circulaire est mentionnée la consigne suivante :

"J'appelle votre attention sur le fait que le seul soupçon du recourt à une telle convention (GPA) conclu à l'étranger ne peut suffire à opposer un refus aux demandes de CNF des lors que les actes de l'Etat civil local attestant du lien de filiation avec un français sont probants au sens de l'article 47 du Code Civil."

Le certificat de nationalité française serait alors délivré sur la base d'une filiation reposant sur un mécanisme interdit par la loi française.

La Cour de Cassation s'est de nouveau prononcée suite à cette circulaire dans 2 affaires similaires le 13 septembre 2013. Dans les deux cas, les enfants sont nés en Inde, à la suite d'une gestation pour autrui. L'une des affaires concerne un couple français et l'autre un français célibataire. La Cour a renouvelé son refus à la transcription des actes dressés en Inde mais cette fois, avec un élément nouveau : la considération que ce type de filiation résulte d'un processus frauduleux, d'une fraude à la loi française :

"Attendu qu'en l'Etat du droit positif est justifié le refus de transcription d'un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé dans les formes usités dans ce pays lorsque la naissance est l'aboutissement en fraude à la loi française d'un processus d'ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d'autrui, convention qui fut elle licite à l' étranger est nulle d'une nullité d'ordre public."

Photo : Skitterphoto (Pixabay)

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Écrit par

Cloé Perrot

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