​La réforme du Droit de Préemption Urbain (DPU).

Le Droit de préemption a été élargi, tout comme les prérogatives du bénéficiaire de ce droit et la protection du propriétaire du bien préempté.

16 FÉVR. 2015 · Lecture : min.
​La réforme du Droit de Préemption Urbain (DPU).

1.Le renforcement du droit de préemption urbain par l'extension de son champ d'application matériel.

Le DPU simple s'applique désormais à des mutations qui entraient auparavant dans le champ d'application du DPU renforcé (article L. 213-1 du Code de l'urbanisme) à savoir :

- les cessions de la majorité des parts d'une SCI dont le patrimoine est constitué par une unité foncière dont la cession serait soumise au droit de préemption, ainsi que les cessions conduisant un acquéreur à détenir la majorité des parts de ladite société (ajout de la loi ALUR) à l'exception des SCI constituées exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus ;

- les cessions d'immeubles bâtis achevés depuis plus de quatre ans (au lieu de dix ans) (article L. 211-4 du Code de l'urbanisme).

En outre, le droit de préemption urbain, et en ZAD, est élargi à de nouvelles mutations :

- les cession d'immeubles construits ou acquis par des organismes d'habitation à loyer modéré et qui sont leur propriété, sous réserve des droits des locataires définis à l'article L. 443-11 du Code de l'habitation et de la construction (CCH);

- les apports en nature au sein d'une SCI des immeubles ou ensembles de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble, bâti ou non bâti (nouvel article L. 213-1-2 du Code de l'urbanisme). Dans ce cas, la déclaration d'intention d'aliéner (DIA) est accompagnée d'un état de la situation sociale, financière, et patrimoniale de la SCI ;

- les aliénations à titre gratuit d'immeubles ou d'ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble, bâti ou non bâti, sauf si elles sont effectuées entre des personnes ayant des liens de parenté jusqu'au sixième degré ou des liens issus d'un mariage ou d'un PACS (les concubins ne sont pas visés) (article L. 213-1-1 du Code de l'urbanisme). Dans ce cas, le titulaire du droit de préemption devra proposer un prix sur la base de l'estimation des domaines.

Ces dispositions viennent ainsi considérablement élargir la liste des biens susceptibles d'être acquis par voie de préemption.

2.Le contenu de la DIA est renforcé.

Elle doit désormais comprendre les informations dues au titre de l'article L. 514-20 du Code de l'environnement : le vendeur d'un terrain qui a accueilli l'exploitation d'une installation classée soumise à autorisation ou à enregistrement doit en informer par écrit le titulaire du droit de préemption et lui indiquer, s'il les connaît, les dangers ou inconvénients importants qui résultent de l'exploitation. En outre, si le vendeur est l'exploitant de l'installation, il doit indiquer par écrit si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives (article L. 213-2 du Code de l'urbanisme).

L'autorité titulaire du droit de préemption bénéficie ainsi (enfin !) des mêmes droits que ceux d'un acquéreur classique.

Cette disposition est entrée en vigueur immédiatement.

3.La demande de pièces complémentaires par l'autorité préemptrice.

L'autorité préemptrice peut, dans un délai de deux mois à compter de la réception de la DIA, adresser au propriétaire une demande unique de communication de documents complémentaires afin d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la SCI (article L. 213-2 du Code de l'urbanisme).

Dans ce cas, le délai pour exercer le droit de préemption est suspendu et ne recommence à courir qu'à compter de la réception des documents demandés, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Le délai peut être prolongé d'un mois supplémentaire lors du moment de la suspension du délai, celui-ci était inférieur à un mois.

Le Décret du 22 décembre 2014 a fixé la liste des documents susceptibles d'être demandés au propriétaire d'un immeuble par le titulaire du droit de préemption (Nouvel art. R. 213-7 CU).

La liste des documents est la suivante :

1° Le dossier de diagnostic technique mentionné à l'article L. 271-4 du code de la construction et de l'habitation ; 2° S'il y a lieu, l'information prévue au IV de l'article L. 125-5 du code de l'environnement (lorsqu'une indemnité d'assurance a été versée suite à un sinistre) 3° S'il y a lieu, le diagnostic technique prévu à l'article L. 111-6-2 du code de la construction et de l'habitation ou, à compter du 1er janvier 2017, s'il existe, celui prévu à l'article L. 731-1 du même code dans sa rédaction issue du II de l'article 58 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové ; 4° S'il y a lieu et s'ils existent, les documents dont la transmission à l'acquéreur est prévue aux articles L. 125-7 et L. 512-18 du code de l'environnement ; 5° L'indication de la superficie des locaux prévue par l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et par l'article 4-1 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 relatif à l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 précitée ou, s'il existe, le mesurage effectué par un professionnel ; 6° Les extraits de l'avant-contrat de vente contenant les éléments significatifs relatifs à la consistance et l'état de l'immeuble ; 7° Sous réserve qu'ils soient mentionnés dans la déclaration prévue à l'article L. 213-2 :

-la convention ou le bail constitutif de droits réels et, si elles existent, ses annexes, notamment les plans et état des lieux ; -la convention ou le bail constitutif de droits personnels et, si elles existent, ses annexes, notamment les plans et état des lieux ;

« 8° Sous réserve qu'il soit mentionné dans la déclaration prévue à l'article L. 213-2 et qu'il ait été publié au registre de la publicité foncière, l'acte constitutif de la servitude et, si elles existent, ses annexes, notamment les plans et état des lieux ; « 9° Les statuts à jour de la société civile immobilière dont les parts sont cédées ; « 10° Les livres et les documents établis pour le dernier exercice social clos mentionnés à l'article 1855 du code civil ; « 11° Le rapport de reddition de compte établi pour le dernier exercice social clos mentionné à l'article 1856 du code civil ; « 12° A défaut des documents mentionnés aux 10° et 11° du présent II, un état certifié par le gérant établissant la composition de l'actif ainsi que du passif de la société civile immobilière et précisant le bénéfice du dernier exercice social clos. »

4.La demande de visite par l'autorité préemptrice.

L'autorité préemptrice peut, dans un délai de deux mois à compter de la réception de la DIA, adresser au propriétaire une demande de visite du bien.

Le Décret du 22 décembre 2014 fixe les conditions de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption.

Ø La demande de la visite du bien est faite par écrit (Art. D. 213-13-1 CU).

Elle est notifiée par le titulaire du droit de préemption au propriétaire ou à son mandataire et au notaire mentionnés dans la DIA, dans les conditions fixées à l'article R. 213-25 (par LRAR, par acte d'huissier, par dépôt contre décharge ou par voie électronique).

La demande de la visite du bien (Art. D. 213-13-4) :

-indique les références de la DIA.

-reproduit, en caractères apparents, les dispositions de l'article L. 213-2 et celles des articles D. 213-13-2 et D. 213-13-3.

-mentionne le nom et les coordonnées de la ou des personnes que le propriétaire, son mandataire ou le notaire peut contacter pour déterminer les modalités de la visite.

-indique que la visite doit être faite en présence du propriétaire ou de son représentant et du titulaire du droit de préemption ou de la personne mandatée par ce dernier.

Ø L'acceptation de la visite par le propriétaire est écrite (Art. D. 213-13-2 CU).

Elle est notifiée au titulaire du droit de préemption dans les mêmes formes et dans le délai de huit jours à compter de la date de réception de la demande de visite.

Ø La visite du bien se déroule dans le délai de quinze jours calendaires à compter de la date de la réception de l'acceptation de la visite, en dehors des samedis, dimanches et jours fériés.

Le propriétaire, son mandataire ou le notaire est tenu d'informer de l'acceptation de la visite les occupants de l'immeuble mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner.

Un constat contradictoire précisant la date de visite et les noms et qualité des personnes présentes est établi le jour de la visite et signé par le propriétaire ou son représentant et par le titulaire du droit de préemption ou une personne mandatée par ce dernier.

L'absence de visite dans le délai prévu au troisième alinéa vaut soit refus de visite, soit renonciation à la demande de visite. Dans ce cas, le délai suspendu en application du quatrième alinéa de l'article L. 213-2 reprend son cours.

Ø Le refus par le propriétaire de la visite du bien (Art. D. 213-13-3).

Le propriétaire peut refuser la visite du bien.

Le refus est notifié au titulaire du droit de préemption dans les conditions prévues à l'article R. 213-25 et dans le délai de huit jours à compter de la date de réception de la demande de visite. En l'absence de réponse dans ce délai, le refus est tacite.

Ces dispositions s'appliquent aux DIA reçues à compter du 1er janvier 2015.

5.Les mesures de publicité de la décision de préemption.

Le titulaire du droit de préemption doit désormais publier la décision de préemption, et la notifier au vendeur, au notaire, et le cas échéant à l'acquéreur mentionné dans la DIA. En revanche, l'obligation d'informer les bénéficiaires des droits réels et personnels est à la charge du notaire du vendeur (article L. 213-2 du Code de l'urbanisme).

6.Le transfert de propriété, en cas d'acquisition du bien préempté, intervient à la plus tardive de ces deux dates : le paiement ou la signature de l'acte authentique (article L. 213-14 du Code de l'urbanisme).

Le paiement (ou la consignation) doit intervenir dans un délai maximal de quatre mois à compter de l'accord sur le prix ou du jugement fixant ce prix. À défaut, le vendeur peut aliéner librement son bien.

Si le titulaire du droit de préemption renonce à préempter avant la fixation judiciaire du prix, le vendeur pourra aliéner son bien sans nouvelle DIA au prix indiqué dans la DIA initiale.

Cette vente devra intervenir en la forme authentique dans un délai de trois ans à compter de la renonciation. À défaut, une nouvelle DIA sera nécessaire (article L. 213-8 du Code de l'urbanisme).

7.Les règles d'utilisation des biens préemptés.

Les biens préemptés pourront être utilisés ou aliénés pour l'un des objets mentionnés à l'alinéa 1 de l'article L. 210-1.

Cet objet peut être différent de celui mentionné dans la décision de préemption.

Toutefois, tout changement d'affectation doit faire l'objet d'une décision de l'organe délibérant de la collectivité (article L. 213-11 du Code de l'urbanisme).

8.L'accroissement des garanties au profit des personnes préemptées.

La loi ALUR reprend les principes qui avaient été précédemment posés par la jurisprudence (CE 26 février 2003, M. et Mme Bour, req. n° 231558) en cas d'annulation de la décision de préemption après le transfert de propriété.

Désormais, l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'une décision de préemption impose au titulaire du droit de préemption de proposer aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel, la rétrocession du bien à un prix négocié ou fixé judiciairement (L. 213-11-1).

La rétrocession doit être proposée en premier lieu au propriétaire initial, qui a trois mois pour se prononcer, puis à l'acquéreur évincé dont le nom figure dans la DIA (à défaut, il ne pourra bénéficier de ce droit).

Ces dispositions sont entrées en vigueur immédiatement.

Écrit par

Maître Sarah Huot

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